
Honor Toudissa dans son restaurant à Brazzaville. © Marlène Panara
Tablier vert, jaune et rouge et toque assortie, c'est avec un large sourire qu'Honor Toudissa vous ouvre les portes de son restaurant situé au cœur du quartier de Poto Poto à Brazzaville. Dans la salle décorée par ses propres soins, des effluves de gâteaux chatouillent les narines. Quelque peu déconcertant, quand on sait que le chef est un expert du liboké, ce plat typique du bassin du Congo, du même nom que son établissement. « Les biscuits de mes élèves sont dans le four », justifie-t-il. À l'arrière du restaurant, dans la cuisine, s'affaire en effet un adolescent en tenue de cuisinier. Le jeune homme, concentré, extirpe avec difficulté une petite quantité de pâte devant la grande boule placée devant lui. « Junior* a un handicap qui l'empêche de se mouvoir comme il veut. Travailler une pâte à biscuit, en faire des petites boules et des sablés l'aide à développer sa motricité, explique le chef congolais. Et le processus de création, de la fabrication au produit final, est très satisfaisant. L'estime qu'il a pour lui-même n'en sera que meilleure. »
Chef cuisinier à succès, Honor Toudissa anime aussi, depuis près de vingt ans, des ateliers de cuisine pour des enfants en situation de handicap. « Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours eu à cœur de transmettre ma passion à la jeunesse, qui plus est celle qui ne trouve pas toujours sa place dans notre société. Conjuguer amour de la cuisine et enseignement, c'est mon mantra. Pour moi, l'un ne va pas sans l'autre », assure-t-il. Aujourd'hui, c'est donc en partenariat avec le Centre de santé des Petites Sœurs dominicaines, adossé au restaurant, qu'Honor Toudissa mène à bien ses projets. Entre deux cours avec les enfants, le chef mitonne des produits du terroir pour les clients de son établissement.
Chef cuisinier à succès, Honor Toudissa anime aussi, depuis près de vingt ans, des ateliers de cuisine pour des enfants en situation de handicap. « Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours eu à cœur de transmettre ma passion à la jeunesse, qui plus est celle qui ne trouve pas toujours sa place dans notre société. Conjuguer amour de la cuisine et enseignement, c'est mon mantra. Pour moi, l'un ne va pas sans l'autre », assure-t-il. Aujourd'hui, c'est donc en partenariat avec le Centre de santé des Petites Sœurs dominicaines, adossé au restaurant, qu'Honor Toudissa mène à bien ses projets. Entre deux cours avec les enfants, le chef mitonne des produits du terroir pour les clients de son établissement.
Un apprentissage au Kenya, loin de la guerre
Chez lui, la cuisine, c'est « une histoire de famille ». C'est son père, ingénieur agronome et passionné de gastronomie, qui lui a transmis le virus. Encore enfant, c'est en confectionnant des salades qu'Honor fait ses armes. À chaque recette s'ensuit le verdict de son père, devenu son goûteur attitré. Et un goûteur exigeant. « Un jour, j'ai préféré aller jouer au football plutôt que cuisiner. J'ai fait une salade rapide, sans aucune volonté. Mon père me l'a jetée à la figure, raconte-t-il, amusé. Je n'ai plus jamais recommencé. Dès que je cuisine, je le fais à 100 %. J'y mets tout mon cœur. » Pour le chef congolais, la cuisine est aussi affaire de rigueur et d'exigence. C'est ce qui l'a poussé, en 1995, à suivre une formation en hôtellerie et management loin de chez lui, au Kenya. Son objectif d'alors ? Rentrer au Congo, diplôme en poche, et intégrer la cuisine du palace situé sur l'île m'Bamou à Brazzaville. Plus jeune, Honor Toudissa y a effectué de nombreux stages, non rémunérés. Simplement pour apprendre.
Mais en 1997, la guerre civile éclate. L'hôtel de ses rêves est détruit, et avec lui son rêve d'y cuisiner un jour. D'abord, l'étudiant est effondré. Puis il réfléchit à ce qui lui tient vraiment à cœur. Depuis le Kenya, Honor Toudissa façonne son concept : celui d'une cuisine locale, avec les techniques gastronomiques modernes. Quand il revient au Congo en 2000, le jeune diplômé se lance. Il ouvre son propre restaurant – l'Espace Liboké, soufflé par les explosions du dépôt d'armes de Mpila le 4 mars 2012 – et propose une carte composée uniquement de produits de la région, « pour changer les habitudes alimentaires des Congolais ». « Je me suis rendu compte qu'avec le temps, les gens mangeaient de plus en plus de produits surgelés, d'aliments transformés. Alors que le bassin du Congo regorge de produits de qualité », déplore-t-il. Des recettes que le restaurateur, issu d'une famille d'artistes et peintre lui-même, aura à cœur de présenter de la meilleure des façons : « ce n'est pas parce que l'on fait de la cuisine familiale que l'on doit mettre de côté la présentation des plats. Cette cuisine-là est aussi noble que les autres ». Une stratégie gagnante. Vingt ans plus tard, Honor Toudissa a gagné ses galons, et défend son concept dans les associations internationales de gastronomie dont il est sociétaire, à l'instar de l'association internationale Slow Food pour la promotion de la cuisine mondiale. Mais c'est dans son restaurant de Poto Poto qu'il défend le mieux la gastronomie de son pays. Mtété mbika, une terrine de courges cuite dans les feuilles de manioc, makasa ya kwanga, saka saka de sa grand-mère et maboké divers, autant de recettes à succès qui font dire à Honor Toudissa que « si vous n'êtes pas passé par chez moi, alors vous n'avez jamais mangé congolais ». Il s'est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : Vous êtes cuisinier depuis vingt ans aujourd'hui. A-t-il été difficile à l'époque d'être un homme en cuisine ?
Honor Toudissa : J'ai subi des critiques, car beaucoup pensaient que ce n'était pas ma place. Pour certains, je n'étais qu'un « marmiton », un mot péjoratif qui désigne un petit cuisinier. Mais je n'ai jamais eu de complexes à exercer ce métier, j'ai toujours porté ma veste avec fierté. Et puis, les choses ont changé depuis. J'ai même suscité des vocations dans mon propre entourage : la famille, d'abord réticente, compte aujourd'hui six cuisiniers ! Et le statut des chefs, qui pour certains sont devenus de véritables stars en Afrique, n'est plus le même. Ces dernières années, la cuisine africaine a pris beaucoup d'ampleur, elle est devenue un véritable phénomène.
Quelle est votre spécialité ? Votre plat fétiche ?
Sans hésiter, les feuilles d'emballage du manioc, je voyage partout avec ! Au départ, ces feuilles servaient à renforcer les toitures des maisons ou à faire des nattes et des assiettes. Moi, elles me permettent de faire le plat que je préfère, le liboké de poisson salé (maboké au pluriel). C'est pour cela qu'on me surnomme d'ailleurs « chef liboké ». C'est une technique de cuisson qui s'applique aussi bien au bœuf qu'au poulet ou aux légumes, et même au saka saka – préparation à base de feuilles de manioc, d'huile de palme et d'arachide – que je « libokétise » très souvent.
Y a-t-il des disparités culinaires entre les régions du bassin du Congo ?
On retrouve le liboké un peu partout, mais dans le Nord, il sera le plus souvent cuisiné avec du poisson. Dans le Sud, on le préfère au porc ou aux légumes.
Votre carte propose également des desserts, un mets que l'on retrouve plus souvent dans la culture occidentale.
J'y tenais, car en Afrique, nous avons des fruits incroyables. C'est un potentiel qu'il ne faut pas négliger. Mes desserts sont de pures créations, à base de mangues ou de malombos, un fruit souvent utilisé pour ses vertus médicinales, que l'on retrouve aussi en Afrique de l'Ouest. Je fais également du sirop avec le tsui-téké, un fruit de la forêt tropicale.
Commercialisez-vous d'autres produits ?
Je fais d'excellentes confitures avec la papaye et l'oseille. Je réduis aussi le tondolo – là aussi un fruit de la forêt – en poudre, qui donne un très bon condiment, un peu à l'image du poivre. On peut aussi trouver sur mes étagères du thé de bulukutu, ou lipia, une plante de la famille des verveines. Pour toutes ces préparations, je n'utilise que des produits locaux qui, je trouve, ne sont pas reconnus à leur juste valeur et dont le potentiel n'est pas assez exploité.
Source Le Point.fr/Afrique
Mais en 1997, la guerre civile éclate. L'hôtel de ses rêves est détruit, et avec lui son rêve d'y cuisiner un jour. D'abord, l'étudiant est effondré. Puis il réfléchit à ce qui lui tient vraiment à cœur. Depuis le Kenya, Honor Toudissa façonne son concept : celui d'une cuisine locale, avec les techniques gastronomiques modernes. Quand il revient au Congo en 2000, le jeune diplômé se lance. Il ouvre son propre restaurant – l'Espace Liboké, soufflé par les explosions du dépôt d'armes de Mpila le 4 mars 2012 – et propose une carte composée uniquement de produits de la région, « pour changer les habitudes alimentaires des Congolais ». « Je me suis rendu compte qu'avec le temps, les gens mangeaient de plus en plus de produits surgelés, d'aliments transformés. Alors que le bassin du Congo regorge de produits de qualité », déplore-t-il. Des recettes que le restaurateur, issu d'une famille d'artistes et peintre lui-même, aura à cœur de présenter de la meilleure des façons : « ce n'est pas parce que l'on fait de la cuisine familiale que l'on doit mettre de côté la présentation des plats. Cette cuisine-là est aussi noble que les autres ». Une stratégie gagnante. Vingt ans plus tard, Honor Toudissa a gagné ses galons, et défend son concept dans les associations internationales de gastronomie dont il est sociétaire, à l'instar de l'association internationale Slow Food pour la promotion de la cuisine mondiale. Mais c'est dans son restaurant de Poto Poto qu'il défend le mieux la gastronomie de son pays. Mtété mbika, une terrine de courges cuite dans les feuilles de manioc, makasa ya kwanga, saka saka de sa grand-mère et maboké divers, autant de recettes à succès qui font dire à Honor Toudissa que « si vous n'êtes pas passé par chez moi, alors vous n'avez jamais mangé congolais ». Il s'est confié au Point Afrique.
Le Point Afrique : Vous êtes cuisinier depuis vingt ans aujourd'hui. A-t-il été difficile à l'époque d'être un homme en cuisine ?
Honor Toudissa : J'ai subi des critiques, car beaucoup pensaient que ce n'était pas ma place. Pour certains, je n'étais qu'un « marmiton », un mot péjoratif qui désigne un petit cuisinier. Mais je n'ai jamais eu de complexes à exercer ce métier, j'ai toujours porté ma veste avec fierté. Et puis, les choses ont changé depuis. J'ai même suscité des vocations dans mon propre entourage : la famille, d'abord réticente, compte aujourd'hui six cuisiniers ! Et le statut des chefs, qui pour certains sont devenus de véritables stars en Afrique, n'est plus le même. Ces dernières années, la cuisine africaine a pris beaucoup d'ampleur, elle est devenue un véritable phénomène.
Quelle est votre spécialité ? Votre plat fétiche ?
Sans hésiter, les feuilles d'emballage du manioc, je voyage partout avec ! Au départ, ces feuilles servaient à renforcer les toitures des maisons ou à faire des nattes et des assiettes. Moi, elles me permettent de faire le plat que je préfère, le liboké de poisson salé (maboké au pluriel). C'est pour cela qu'on me surnomme d'ailleurs « chef liboké ». C'est une technique de cuisson qui s'applique aussi bien au bœuf qu'au poulet ou aux légumes, et même au saka saka – préparation à base de feuilles de manioc, d'huile de palme et d'arachide – que je « libokétise » très souvent.
Y a-t-il des disparités culinaires entre les régions du bassin du Congo ?
On retrouve le liboké un peu partout, mais dans le Nord, il sera le plus souvent cuisiné avec du poisson. Dans le Sud, on le préfère au porc ou aux légumes.
Votre carte propose également des desserts, un mets que l'on retrouve plus souvent dans la culture occidentale.
J'y tenais, car en Afrique, nous avons des fruits incroyables. C'est un potentiel qu'il ne faut pas négliger. Mes desserts sont de pures créations, à base de mangues ou de malombos, un fruit souvent utilisé pour ses vertus médicinales, que l'on retrouve aussi en Afrique de l'Ouest. Je fais également du sirop avec le tsui-téké, un fruit de la forêt tropicale.
Commercialisez-vous d'autres produits ?
Je fais d'excellentes confitures avec la papaye et l'oseille. Je réduis aussi le tondolo – là aussi un fruit de la forêt – en poudre, qui donne un très bon condiment, un peu à l'image du poivre. On peut aussi trouver sur mes étagères du thé de bulukutu, ou lipia, une plante de la famille des verveines. Pour toutes ces préparations, je n'utilise que des produits locaux qui, je trouve, ne sont pas reconnus à leur juste valeur et dont le potentiel n'est pas assez exploité.
Source Le Point.fr/Afrique